C’est un événement diplomatique de premier plan qui s’est tenu à Alger à la fin du mois de juillet 2025. Le président libanais Joseph Aoun a effectué une visite officielle de deux jours en Algérie, une première depuis plus de deux décennies, puisque la dernière visite d’un chef d’État libanais remonte à 2002 avec le président Émile Lahoud. Cette rencontre entre les deux pays arabes s’inscrit dans un contexte régional complexe, où la coopération et la solidarité entre États arabes deviennent essentielles pour affronter les défis économiques, politiques et sécuritaires.
Dès son arrivée à l’aéroport international Houari Boumediene, le président libanais a été accueilli en grande pompe par son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. Une cérémonie protocolaire solennelle a marqué le début de cette visite : 21 coups de canon ont été tirés, les hymnes nationaux ont été joués, et les deux présidents se sont entretenus dans une atmosphère cordiale, marquée par la volonté de renforcer des liens historiques qui avaient, ces dernières années, perdu en intensité.
Au cœur de cette visite figuraient plusieurs axes stratégiques. D’abord, la relance des relations politiques et institutionnelles. L’Algérie et le Liban ont convenu de réactiver la commission mixte bilatérale, qui était en sommeil depuis près de vingt-cinq ans. Cette relance vise à structurer un dialogue régulier autour des questions d’intérêt commun, avec une ambition claire : faire évoluer la relation algéro-libanaise d’un simple attachement historique à un partenariat stratégique, moderne et multidimensionnel.
Les deux chefs d’État ont abordé un large éventail de sujets. Sur le plan régional, ils ont affiché une convergence de vues sur les grandes questions arabes, à commencer par la situation en Palestine. Le président Tebboune a réaffirmé le soutien indéfectible de l’Algérie au peuple palestinien et à la cause arabe, un message fort en ces temps de tensions renouvelées au Proche-Orient. La question du sud Liban et du respect de la souveraineté libanaise face aux incursions israéliennes a également été évoquée. L’Algérie, qui s’est positionnée ces dernières années comme un défenseur de la souveraineté des États et du multilatéralisme, a réitéré son appui à la stabilité et à l’unité du Liban.
Au-delà des enjeux politiques, la coopération économique a été au centre des échanges. Le Liban traverse une crise économique sans précédent depuis 2019, marquée par l’effondrement de sa monnaie, une inflation galopante, et un effritement de l’État de droit. Dans ce contexte, le soutien algérien est perçu comme une bouffée d’oxygène. Le président Aoun a salué l’aide apportée par l’Algérie ces dernières années, notamment les dons de carburant à Électricité du Liban en 2022 et 2024, ainsi que l’assistance humanitaire suite à l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Le président Tebboune, de son côté, a réaffirmé l’engagement de l’Algérie à continuer d’accompagner le peuple libanais dans ses efforts de reconstruction et de redressement économique.
L’un des gestes concrets les plus significatifs de cette visite concerne la reprise des liaisons aériennes entre Alger et Beyrouth. La compagnie nationale Air Algérie a annoncé qu’elle relancerait ses vols vers la capitale libanaise à compter du 14 août 2025, à raison de deux fréquences par semaine. Cette décision est fortement symbolique : elle marque la réouverture des canaux humains, économiques et culturels entre les deux pays. En parallèle, des discussions ont été engagées pour établir une ligne maritime reliant l’Algérie à la côte libanaise, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives pour le commerce et les échanges logistiques dans la Méditerranée orientale.
Sur le plan culturel et médiatique, un accord de partenariat est en cours de finalisation entre la télévision publique algérienne et la télévision nationale libanaise. Cet accord vise à favoriser les échanges de programmes, de documentaires et de compétences professionnelles entre les deux institutions audiovisuelles. L’objectif affiché est de consolider un espace culturel arabe commun, où les peuples d’Algérie et du Liban peuvent se découvrir mutuellement, au-delà des stéréotypes et des images figées.
La visite s’est également distinguée par un moment symbolique fort : le président Tebboune a remis à Joseph Aoun la Médaille du Mérite national, classe Athir, la plus haute distinction honorifique de l’État algérien. Ce geste témoigne de l’estime et de l’amitié que nourrit l’Algérie envers le Liban, et de la volonté de sceller cette visite par un acte de reconnaissance diplomatique durable.
Au terme de cette visite, les deux chefs d’État ont exprimé leur satisfaction quant aux résultats obtenus et leur volonté de maintenir une dynamique de coopération soutenue. Le président Aoun a qualifié cette visite d’historique et de prometteuse, affirmant qu’elle ouvrait un nouveau chapitre dans les relations entre le Liban et l’Algérie. Le président Tebboune, quant à lui, a souligné que cette rencontre avait permis de réactiver une relation longtemps en veille, en la dotant d’objectifs clairs, concrets et tournés vers l’avenir.
Dans un contexte international instable, marqué par la montée des tensions géopolitiques et les fractures au sein du monde arabe, cette visite apparaît comme une tentative de réancrage régional, pour deux pays qui, malgré leurs différences, partagent une même vision de la souveraineté, du dialogue interarabe et de la solidarité méditerranéenne. Elle pourrait bien annoncer une nouvelle ère de coopération sud-sud, fondée non plus uniquement sur les souvenirs du passé, mais sur les défis de l’avenir.
